Billet écrit par SHKareshi
Le mer, 17/10/2018 - 00:37
Catégories: Réflexions Culture

Si vous suivez un peu l'actualité et les news autour du manga, difficile d'être passé à côté de la vidéo polémique de France Info / Draw My News / Linh-Lan Dao, à propos du Sexisme dans les mangas, et de Me Too. On la remet ici, en introduction :

Beaucoup de monde a régit à cette vidéo, notamment sur YouTube. Au début, je voulais réagir directement sur le blog. Et puis, finalement, on a fait une vidéo, mise en ligne aujourd'hui-même, avec un peu de retard. La voici :

À l'origine, on voulait la mettre en ligne plus tôt, un peu comme un hors-série de "L'instant Shôjo", mais ça a été un peu présomptueux de croire qu'on arriverait à se rajouter du travail en faisant deux vidéos en une seule semaine… Du coup, elle est arrivée un poil en retard, et entre temps, beaucoup d'autres vidéos ont été mises en ligne. Tant mieux, il y a plein de choses intéressantes qui ont été dites. Du reste, au final, je ne peux pas m'empêcher de compléter ce que je dis dans la vidéo… Ah ah, on ne se refait pas !

Quand j'ai découvert la vidéo sur le sexisme dans les mangas, je n'avais pas fait le lien avec la vidéo sur le racisme anti-asiatique, qui expliquait plutôt bien les choses. Vous savez, celle-ci :

Quand j'ai réalisé que c'est la même personne qui est à l'origine des deux vidéos, je crois que ça m'a blessé, de manière insidieuse. Ça rejoint ce que je dis dans notre vidéo de réaction : combattre des clichés sexistes en en véhiculant d'autres, ça ne peut pas fonctionner ! En tant que métisse asiatique, qui travaille dans le manga, et qui essaie de proposer une vraie diversité et représentativité, je ne peux pas accepter ce "deux poids / deux mesures". À ce sujet, la vidéo intitulée "Les Etres-aux-Deux-Esprits, c'est quoi ?" est hautement problématique, à plein de niveaux (imprécisions, erreurs, clichés sur "les Amérindiens" comme s'ils étaient un groupe uniforme etc…), mais ce n'est pas à moi d'en parler. Ce qui me désole le plus, en fait, c'est qu'on puisse être sensibilisé aux sujets comme le racisme, les clichés, et finalement rentrer dans le même schéma. Quand on est sensibilisé, n'a-t-on pas justement, plus de responsabilités ? Pour aller plus loin, est-ce parce qu'on est d'origine asiatique qu'on a le droit de dire du bullshit sur la culture japonaise ? (bon, j'extrapole mais… les inimités entre les pays asiatiques ne sont pas nouvelles, et d'une certaine manière, cette vidéo, en étant créée par une française d'origine asiatique ne nourrit-elle pas ce même cliché ?). On tourne en rond, et surtout complètement à l'envers ! Ce n'est pas comme ça qu'on va faire avancer le débat, et créer une société plus attentive à autrui.

Si je peux réagir, façon "auto-promo", je ne saurais que recommander les lectures des trois oeuvres suivantes :

  

Je sais qu'elles ne sont pas parfaites (quelle oeuvre peut prétendre l'être, de toute façon ?), je sais qu'elles ne font (et ne feront) pas l'uninimité, mais elles se répondent si bien, et nourrissent une réflexion, autant sur le regard que la société porte sur les femmes, que sur le sexisme dans l'éditorial manga. Juste pour info, ces trois oeuvres ont été signées avant le mouvement Me Too, et nous n'aurions pas pu imaginer qu'elles seraient publiées dans cette actualité. La première évoque la difficulté d'une femme adulte de trouver sa place entre carrière et vie sentimentale, la pression sociale, mais aussi la liberté de pouvoir prendre du plaisir sexuel, avec ou sans engagement. Elle montre une réalité, sans juger, et laisse, de manière froide, les lecteurices interprêter ce qui est montré. La seconde, plus revendicatrice, met les pieds dans le plat, tout en évoquant frontalement l'aromantisme, l'asexualité, le choix de vouloir être célibataire et la réaction des hommes hétéros face à une femme qui ne rentre pas dans le moule. Tout en se moquant des processus de création dans l'industrie du manga… Faisant donc directement le lien avec Made in Heaven, qui se moque précisemment du fan service dans les shônen manga, en le poussant à l'extrême, dans un suréalisme graphique fascinant. À lire et comprendre, au trentième degré.

Pour finir sur une note positive, et prouver que le débat avance, autant en France qu'au Japon, je vous mets deux émissions stimulantes et intéressantes, parce que je préfère finir sur une note positive pour… aller de l'avant ! La première, une vidéo YouTube (en anglais, pardon…) d'un couple mixte nippo-américain, sur comment les japonaises ont réagi au sexisme dans la société, avec leur timing, avec leur hashtag, en réaction à une affaire qui leur parlait à elles. Peut-être que l'impulsion hollywoodienne ne correspondait pas ? Ne leur parlait pas ? Qui sommes-nous, pour les juger pour ça ?

La seconde, c'est le lien de l'émission "La représentation des femmes dans le manga" du podcast Mangavore, à laquelle j'ai participé, en compagnie de plein d'autres personnes (Anne-Charlotte Velge de chez Pika & Christelle Pécout – autrice de bande dessinée et membre du collectif des créatrices de bd contre le sexisme), et c'était tellement plus positif ! Même si ce podcast n'a pas fait beaucoup (pas du tout ?) de bruit, Mangavore n'est pas mort ! Pour info, le podcast a été mis en ligne en juillet, mais enregistré vers avril, de mémoire. En tout cas, pour l'écouter, cliquez sur l'image :

Et pour finir, d'ailleurs, je dirais qu'avant de juger une autre culture et le sexisme dans le manga, ça serait peut-être mieux de continuer à balayer devant notre porte… Parce qu'au niveau du sexisme dans la bande dessinée, ici, il y a encore tellement de choses à dire… 

Commentaires

Gemini le 17 10 2018 21:08

De nombreux manga se déroulent dans la réalité du quotidien et se veulent crédible. Or, qu'est-ce qui est le plus crédible ? Un monde où le Japon a changé du jour au lendemain grâce à metoo, ou un monde où le sexisme existe au quotidien ?

Si ce phénomène se ressent plus dans les productions nippones que dans les françaises, c'est peut-être justement car il existe bien plus d’œuvres de fiction au Japon ancrées dans un quotidien réaliste. Ce qui ne signifie absolument pas que le sexisme n'existe pas en France.