(Attention, cette interview dévoile certains événements de la fin de l'histoire.)

L’occasion de dessiner dans Cookie

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Question : Pouvez-vous nous expliquer comment vous en êtes venue à dessiner des histoires pour le magazine Cookie ?

Ricaco Iketani : Avant de dessiner pour Cookie, je participais à une revue qui s’adressait aux étudiantes et aux jeunes femmes dans la vie active. Mais j’avais envie de m’adresser à un public un peu plus jeune, de faire une histoire dans laquelle l’héroïne serait une lycéenne.

Q : Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire pour un lectorat plus jeune ?

R.I. : Parce que les filles plus jeunes... sont plus mignonnes (rires) !! En fait, je pense que la jeunesse est, en général, quelque chose d’étrangement fascinant (et ce, bien qu’on ne s’en rende pas toujours compte). Et c’est justement ce côté-là que j’avais envie de décrire. Evidemment, n’importe quelle période de la vie est stimulante, mais je me disais aussi que plus je vieillirais, plus il me serait difficile de décrire ce qu’il y a d’attrayant dans la « jeunesse ». Si je voulais vraiment écrire une histoire avec des lycéens, je ne devais pas tarder... C’était un peu comme ma dernière chance !

Q : Et quand vous avez commencé à dessiner pour ce public, avez-vous ressenti quelque chose de particulier ?

R.I. : Au tout début, je réfléchissais beaucoup sur la manière dont les jeunes pouvaient réagir et penser. J’essayais de me mettre à leur place, de me projeter dans leur esprit. Et puis, soudainement, j’ai réalisé que, quel que soit notre âge, nous ressentons toujours des sentiments similaires. Je suis assez convaincue qu’en amour, ou plus généralement d’un point de vue « passionnel », quel que soit notre âge, quelle que soit l’époque, nos sentiments restent de même nature. Croire l’inverse, essayer de me mettre jusqu’à l’excès à la place de jeunes était probablement une erreur.

À propos de Lollipop

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Q : Lollipop vient de s’achever. Tous les personnages de cette série ont vraiment un fort caractère. Parmi ceux-ci, pour quel personnage éprouvez-vous le plus d’affection ?

R.I. : Plutôt que de parler de personnages que j’affectionne, je dirais que c’est l’œuvre en intégralité. Enfin, je peux malgré tout dire que les personnages les plus faciles à dessiner étaient Tomoyo et le père de Madoka. Ensuite, Chizuru et la mère de Madoka. Et puis, c’est seulement ensuite qu’arriverait... Madoka (oui oui, je sais, elle est pourtant l’héroïne de l’histoire).

Q : Ah bon ?! Tomoyo était plus facile à décrire que Madoka ? Pourquoi à votre avis ?

R.I. : En fait, parmi la multitude des sentiments humains, « la douleur » est celui qui me fascine le plus. Et notamment cette maîtrise de soi dont il faut faire preuve, quand on désire quelqu’un à en mourir, mais qu’on ne peut même pas l’effleurer du doigt. Dans le cas de Lollipop, si Madoka était toujours très hésitante, Tomoyo, lui, l’aimait sincèrement depuis le début. Les doutes de Madoka étaient pour Tomoyo très « douloureux ». Quand je regardais les personnages de cette série, c’est Tomoyo qui me faisait ressentir le plus ce sentiment, et du coup, c’était passionnant de le décrire (rires).

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Q : Et en ce qui concerne le père de Madoka ?

R.I. : Ah là, c’est très différent ! Disons que, c’est un personnage un peu simplet, et on peut lire en lui comme dans un livre ouvert. Il montre avec tellement d’évidence ses sentiments. En fait, d’un certain point de vue, peut-être que je trouve que c’est  « un père idéal ». (rires)

Q : Ce père était bourré de défauts, mais c’est vrai qu’il était impossible de le détester. En fait, il me semble que vous décrivez toujours avec beaucoup de soin les défauts de vos personnages !

R.I. : Merci beaucoup !! Je prends ça pour un compliment ! En fait, je déteste les gens trop parfaits (rires). C’est un peu comme si je ne pouvais apprécier quelqu’un qu’à partir du moment où il m’a clairement montré ses mauvais côtés. Donc, quand je dessine, pour donner de la dimension à mes personnages, pour qu’ils soient vraiment « humains », je fais toujours en sorte de montrer toutes leurs facettes.

Ce à quoi vous veillez quand vous dessinez un manga

Q : Quand vous dessinez un manga, à quoi faites-vous particulièrement attention ? 

R.I. : La première chose, c’est d’imaginer des scènes de qualité, qui laisseront un fort impact sur les lecteurs. Par exemple, quand deux personnages décident de sortir ensemble, si par la suite ils doivent se séparer, je veux malgré tout que les lecteurs se souviennent de la première scène comme si elle avait vraiment existé, avec un peu de nostalgie. Pour cela, il est bien évidemment important de réfléchir à la qualité des dialogues. J’hésite toujours jusqu’à ce que je trouve des paroles que j’aurais pu m’entendre dire...

Q : Et quand vous avez trouvé les bonnes répliques, comment procédez-vous ?

R.I. : Ben, je continue à réfléchir et à me retourner le cerveau. Mais il n’est pas bon de trop réfléchir. Alors, je me mets à faire autre chose, pour me changer les idées (rires). Ensuite, je relis ce que j’ai déjà posé sur le papier, et je me demande alors si ça coule bien de cette manière.

Q : Eh bien, cela prend beaucoup de temps pour une « simple bulle » !

R.I. : Avant de vraiment me lancer dans les dessins et la finalisation des planches, j’avoue que je recommence très souvent mes croquis. En fait, il m’arrive même de passer une journée entière sur une simple case (rires) ! De fait, les lecteurs ne voient que le résultat final. Donc, par respect pour eux, je m’efforce à ce que le résultat qu’ils verront soit toujours le meilleur possible. A tel point que je peux m’en rendre dingue, mais c’est mon crédo !

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Vos attentes vis-à-vis de Cookie dans l’avenir

lollipop 7Q : Quelles sont vos attentes vis-à-vis des années à venir, pour le magazine Cookie ?

R.I. : Je souhaite que cela continue comme jusqu’à aujourd’hui, c’est-à-dire que ce magazine continue à publier des auteures aux styles très différents. Que cela soit un peu comme quand on ouvre une boîte de chocolats, bam, qu’il y ait pleins de formes et de couleurs. Que les mangakas puissent continuer à y dessiner avec un grand sentiment de liberté.

Q : Et personnellement, jusqu’à quand avez-vous l’intention de continuer à écrire « des histoires de lycéennes » ?

R.I. : Euh, je n’ai pas encore décidé, et puis, je pense que c’est mieux de ne pas décider trop en avance, de toute façon. Parce que je suis dans l’incapacité de dessiner quelque chose en y introduisant, a posteriori, des émotions. Je veux écrire « à l’instant présent », ce dont j’ai envie de parler à l’instant où je le ressens. Enfin, j’ai beau dire ça, il est bien sûr important de prendre en considération les lecteurs. Je ne pourrais pas dessiner pour me faire uniquement plaisir à moi-même. L’idéal est donc de trouver ce juste milieu entre ce que j’ai envie de raconter à un moment précis de ma vie, et ce qui est susceptible de plaire aux lecteurs. De fait, l’aboutissement suprême pour un mangaka est de trouver la parfaite harmonie entre ses envies et celles des lecteurs, que le plaisir ressenti en dessinant soit le même que celui de lecture !!

Commentaires

SuzieSuzy le 28 08 2015 17:29

Je ne me lasse pas de relire Lollipop, un de mes shoujo préférés. Merci pour cet interview d'Iketani que j'apprécie beaucoup !

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