TORIKAI Akane

Née en 1981, dans la préfecture d’Osaka.

D’après ses propres confidences, ses années scolaires ne se sont pas très bien passées. Et souvent, elle trouvait du soutien dans les mangas qu’elle lisait. Au collège, notamment, elle découvre l’oeuvre de Kyoko Okazaki, lorsqu’elle emprunte à une yankee un magazine de mode. Elle se souvient alors avoir pensé qu’une telle artiste était capable de rabattre le caquet aux hommes. Dans une culture des années 90 très dominée par les hommes, sa découverte de la contre-culture que représente Ozaki la marque profondément.

C’est finalement en 2004 qu’elle lancera sa carrière de mangaka, dans les pages d’un hors-série du magazine Bessatsu Shôjo Friend. Pendant plusieurs années, elle signe des histoires courtes, avant de finalement lancer sa première série en 2010, dans les pages du magazine seinen Morning Two : Ohayo Okaeri. Mais c’est probablement l’année 2013 qui marquera un tournant décisif dans sa carrière. Cette année-là, elle fait un retour remarqué dans le monde du shôjo adulte (avec son titre Onna no ie - littéralement "La maison des femmes" -prépublié dans la magazine Be Love)… tout en lançant une nouvelle série dans Morning two : En proie au silence. Dans ce dernier, l’artiste met les pieds dans le plat et scrute frontalement la misogynie profondément ancrée dans la société, en mettant en scène une femme qui essaie de se reconstruire après un viol. La série choque, dérange, fédère, fait parler… En huit tomes, elle totalise près d’un million d’exemplaires vendus, notamment grâce aux ventes numériques.

Dès lors, particulièrement courtisée par les éditeurs, elle enchaîne les séries, en explosant les frontières du monde du manga. Prépubliant parfois dans des magazines de shôjo adulte comme le Feel Young, elle se paie aussi le luxe de dessiner dans des revues culturelles généralistes, comme le Weekly Spa ou le Da Vinci. Il lui arrive parfois de mener de front trois séries en parallèle… tout en élevant seule son fils, issu d’un premier mariage.

En 2017, elle publie un ouvrage, où elle livre ses doutes, ses errances, et dans lequel elle publie des entretiens qu’elle a réalisé avec Inio Asano ou même Minoru Furuya (dont elle fut autrefois l’assistante).

En 2018, elle publie une sorte journal intime se déroulant sur plusieurs mois. Intitulé « Je veux vivre un amour comme dans un manga », elle s’y dévoile particulièrement, évoquant ses difficultés d’élever son fils avec son nouveau conjoint (dont le nom restera secret pendant de longues semaines), ses galères en tant que mangaka. 

En 2019, tandis qu’elle entame une nouvelle série pour le magazine Big Comics Spirits de Shogakukan, sa série Jigoku Girlfriend (Girlfriend in Hell) se voit adaptée en drama TV sur la chaîne Fuji.

Jamais avare d’interviews, elle n’hésite pas se livrer sur son travail, sur ses doutes, sur sa vision du monde. Récemment, dans un entretien accordé au Asahi Shinbum, elle disait : « Ça me désespère de faire l’effort de comprendre ceux qui sont contre le féminisme ».  Elle avoue aussi que, si dans ses plus jeunes années elle ressentait le besoin de voir son travail validé par des hommes, c’est aujourd’hui d’abord (mais pas exclusivement) pour les femmes, qu’elle dessine. Car à ses yeux, la création culturelle, le vocabulaire qui l’accompagne, qui l’analyse, a trop souvent été créé et pensé par des hommes. A n’en pas douter, Akane Torikai va continuer à faire parler d'elle, à grandir, à évoluer, à affiner le regard tantôt comique, tantôt cynique, tantôt accerbe, qu'elle port sur la société et les êtres humains qui la compose. Elle marquera profondément l’Histoire du manga, et nous sommes en train d’assister à son éclosion en direct.

Dessinateur Scénariste